Mon retour au Pays des Fleurs se déroula sans incident. Un ancien patient avec qui je gardais contact m’avait évoqué qu’un dojo sans envergure commençait à gagner en popularité. Il était certain qu’un maître de dojo obtenant de nouveaux adeptes fut une bonne chose, ainsi leur art martial continuerait de se transmettre au fil des âges. À l’époque où il me dit cela, il n’y avait pas de quoi s'inquiéter et au contraire, c’était une suprenante perspective de diversification des styles de combat au sein de Ka no Kuni. Continuant alors mes brèves consultations dans les îles environnantes, j’eus récemment de curieux retours au sujet de cette information que je considérais jusqu'à présent sans réelle importance.

 Auparavant, ce pauvre sanctuaire des arts martiaux était dirigé un certain Naruhaya Gendo, c’était un vieillard loquace qui passait nombre de heures à faire répéter les préceptes de son art à ses élèves. Sa bonhomie inspirait le respect et malgré le faible nombre d’adeptes, chacun d’eux se donnaient à corps perdu dans leur apprentissage. Cependant, il y a un an, Maître Naruyaha trépassa et les villageois craignirent que ce fut la fin de ce dojo. D’autres, un peu moins pessimistes pensèrent que ce ne fut qu’une infortune passagère et que le dojo allait repartir sur de plus solides fondations.

 C’est ce qui arriva, en un an le dojo vécut une restructuration, l’héritier direct du vieil homme reprit le flambeau et apporta une nouvelle vitalité à l’école du Croc Tranchant. Il s’agissait de Naruyaha Sendo, son fils cadet qui reprit en main le petit dojo. Les données informelles que j’eus obtenu à ce sujet étaient que le local avait recruté d’étranges nouveaux membres et que ces personnes-là étaient bien plus appliquées dans leur formation que ne l’étaient les adeptes, déjà très motivés, de Naruyaha Père. Enfin, l’élément qui attisa le plus le brasier de mon intérêt était que ce maître d’une trentaine d’années ainsi que ses recrues fanatiques firent preuve d’un violent prosélytisme pour épaissir leurs rangs. Ce fut une pratique en totale dissonance avec la doctrine habituelle du père Naruyaha qui préférait un nombre restreint d'étudiants. En outre, mon ancien client était un contrebandier notoire, il m’indiqua qu’un de leur membre vint marchander avec un de ses collègues de la pègre.

 Je flairais une odeur familière, celle de la violence et du désordre. Ayant facilement accès aux connaissances des chasseurs de prime, je sus promptement qu’un révolutionnaire se terrait à West Blue, il se faisait appeler Kiba et il semblerait qu'il était en train de préparer un équipage afin de renverser le Gouvernement Mondial. Mon intuition m'avait mené jusqu'ici. Je me demandais s’il n’y avait pas un lien entre l’essor de ce petit dojo et les affiches de ce primé placardé sur les murs. Alors, j’errais dans les ruelles parfumées du Pays des Fleurs, à la recherche d’indices sur cet individu. L’architecture traditionnelle me faisait rêver, ces immenses toitures projetaient leurs ombres et mêlées au parfum des fleurs, cela me plongeait dans une humeur songeuse…

 Enfin, ce n’était pas le moment de me disperser. Je venais de traverser un pont surplombant une rivière dorée par la lumière du soleil, je m’avançais dans les zones éloignées du centre où les habitants se rejoignaient pour se fréquenter. Il était treize heures, un vent mauvais se faisait sentir. Je vis ainsi une taverne à la devanture boisée et au vernis effrité, quelques habitués aux visages écarlates discutaient à l’entrée en fumant leurs pipes aux motifs orientaux. L’endroit me paraissait adéquat pour obtenir de nouvelles pistes, cependant, il ne fallait pas trop m’avancer. J’entrais dans ce lieu de loisir et je vins commander un thé blanc au tenancier, c’était un vieux renard, un pauvre type aux yeux plissés et à l’attitude nonchalante, il me servit avec la mollesse d’une limace lors d'une journée de sécheresse. Je récupérais la tasse fumante, je tendis de la monnaie et j’en profitais pour lui poser une question audacieuse :

« Mon bon monsieur, je suis à la recherche d'un ami, avez-vous déjà aperçu ce visage ? »

Une odeur de saumon fumé me titilla les narines. J’étais arrivé ce matin sur la petite ville de Ka no Kuni, traquant comme à mon habitude, un contrat assez intéressant : Kiba, agent révolutionnaire, fomentant une rébellion contre la sainte autorité suprême. Classique. Classé d’un claquement de doigt. Si seulement mon informateur n’avait pas été un agent double que j’avais dû torturer pour qu’il me donne le lieu de la cachette du malfrat. Il m’avait fait perdre deux jours. J’avais maintenant faim et j’étais assoiffé. Je laissai alors mon odorat me guider et me diriger vers le centre-ville, mon baluchon sur l’épaule, et mon katana sur le flanc. L’île me rappela étrangement mon pays natal, notamment en termes d’architecture et de couleurs. Mais la surprise fut dans l’abondance extraordinaire de flore diverses et variées : de magnifiques orchidées, des roses ruisselants de rosées, des tulipes allant du violet au rouge … Je m’arrêtais deux secondes pour respirer le parfum de l’une d’entre elles, lorsque j’entendis une fois plutôt grave derrière mois :

- Eh fillette, t'as fini de foutre ton nez dans le cul des fleurs ?

Je me retournai lentement et découvris un nabot entouré de deux solides gaillards, me dévisageant d’un air prétentieux, tout en rigolant. Parfait. J’avais besoin de me défouler. Un sourire en coin apparu sur mon visage, une canine dépassant sur mes lèvres. Les fixant d’un regard bestial, je leur dis :

- J’étripe lequel en premier ?

Je ne pris même pas la peine de dégainer mon sabre. Fonçant sur celui de gauche, je déviai le coup de poing qu’il m’envoyait au visage vers celui de son camarade, qui tomba au sol, assommé. Je me sais alors de la tête du gros restant, que j’entrechoquai violemment avec la mienne. Deux d’éliminer. Il ne restait que le nabot. Celui-ci avait d’ailleurs pris ses jambes à son cou. Je partis alors rapidement à sa poursuite, et le rattrapai avant qu’il n’eût le temps de parcourir 100 mètres. Le soulevant par le col et usant de mon genou droit, je fis voler en éclat le peu de virilité qu’il possédait.

Je le fixais alors d’un regard amusé :

- Alors, on a perdu ses couilles ?

Après avoir usé de ce jeu de mot peu subtil, je balançais son corps sur mon épaule, et me dirigea vers les restes des deux armoires à glaces, toujours au sol. Je les trainai alors au sol, et me dirigea vers la douce odeur de saumon fumé.

Arrivé devant une taverne, je pénétrai dans le bâtiment, accompagné de mes trois amis que je continuais à trainer derrière moi. Arrivé au comptoir, je vis une assiette de poisson rosé. Fouillant dans les poches de mes compagnons inconscients, je récupérais la somme nécessaire pour acheter le plat, et me tourna vers l’aubergiste :

-Vous auriez une information sur un certain Kiba ? Je suis prêt à payer.

En attendant sa réponse, je sortis de mon baluchon un bol richement décoré et deux baguettes noires cerclées d’or. Je roulai le poisson fumé et en avala une gorgée avant de refixer le barman, pas gêné le moins du monde par les cadavres derrière moi. Je n’avais pas fait attention à l’homme qui se trouvait sur ma gauche et qui tenait dans sa main une affiche représentant l’homme que je recherchais :

- C’est lui ! C’est exactement lui ! dis-je en pointant du doigt l’affiche de mon voisin. Vous seriez où je pourrais le trouver ?