Le 13 février 1521, à la taverne La Baleine Blanche.
Mon retour au Pays des Fleurs se déroula sans incident. Un ancien patient avec qui je gardais contact m’avait évoqué qu’un dojo sans envergure commençait à gagner en popularité. Il était certain qu’un maître de dojo obtenant de nouveaux adeptes fut une bonne chose, ainsi leur art martial continuerait de se transmettre au fil des âges. À l’époque où il me dit cela, il n’y avait pas de quoi s'inquiéter et au contraire, c’était une suprenante perspective de diversification des styles de combat au sein de Ka no Kuni. Continuant alors mes brèves consultations dans les îles environnantes, j’eus récemment de curieux retours au sujet de cette information que je considérais jusqu'à présent sans réelle importance.
Auparavant, ce pauvre sanctuaire des arts martiaux était dirigé un certain Naruhaya Gendo, c’était un vieillard loquace qui passait nombre de heures à faire répéter les préceptes de son art à ses élèves. Sa bonhomie inspirait le respect et malgré le faible nombre d’adeptes, chacun d’eux se donnaient à corps perdu dans leur apprentissage. Cependant, il y a un an, Maître Naruyaha trépassa et les villageois craignirent que ce fut la fin de ce dojo. D’autres, un peu moins pessimistes pensèrent que ce ne fut qu’une infortune passagère et que le dojo allait repartir sur de plus solides fondations.
C’est ce qui arriva, en un an le dojo vécut une restructuration, l’héritier direct du vieil homme reprit le flambeau et apporta une nouvelle vitalité à l’école du
Croc Tranchant. Il s’agissait de Naruyaha Sendo, son fils cadet qui reprit en main le petit dojo. Les données informelles que j’eus obtenu à ce sujet étaient que le local avait recruté d’étranges nouveaux membres et que ces personnes-là étaient bien plus appliquées dans leur formation que ne l’étaient les adeptes, déjà très motivés, de Naruyaha Père. Enfin, l’élément qui attisa le plus le brasier de mon intérêt était que ce maître d’une trentaine d’années ainsi que ses recrues fanatiques firent preuve d’un violent prosélytisme pour épaissir leurs rangs. Ce fut une pratique en totale dissonance avec la doctrine habituelle du père Naruyaha qui préférait un nombre restreint d'étudiants. En outre, mon ancien client était un contrebandier notoire, il m’indiqua qu’un de leur membre vint marchander avec un de ses collègues de la pègre.
Je flairais une odeur familière, celle de la violence et du désordre. Ayant facilement accès aux connaissances des chasseurs de prime, je sus promptement qu’un révolutionnaire se terrait à West Blue, il se faisait appeler Kiba et il semblerait qu'il était en train de préparer un équipage afin de renverser le Gouvernement Mondial. Mon intuition m'avait mené jusqu'ici. Je me demandais s’il n’y avait pas un lien entre l’essor de ce petit dojo et les affiches de ce primé placardé sur les murs. Alors, j’errais dans les ruelles parfumées du Pays des Fleurs, à la recherche d’indices sur cet individu. L’architecture traditionnelle me faisait rêver, ces immenses toitures projetaient leurs ombres et mêlées au parfum des fleurs, cela me plongeait dans une humeur songeuse…
Enfin, ce n’était pas le moment de me disperser. Je venais de traverser un pont surplombant une rivière dorée par la lumière du soleil, je m’avançais dans les zones éloignées du centre où les habitants se rejoignaient pour se fréquenter. Il était treize heures, un vent mauvais se faisait sentir. Je vis ainsi une taverne à la devanture boisée et au vernis effrité, quelques habitués aux visages écarlates discutaient à l’entrée en fumant leurs pipes aux motifs orientaux. L’endroit me paraissait adéquat pour obtenir de nouvelles pistes, cependant, il ne fallait pas trop m’avancer. J’entrais dans ce lieu de loisir et je vins commander un thé blanc au tenancier, c’était un vieux renard, un pauvre type aux yeux plissés et à l’attitude nonchalante, il me servit avec la mollesse d’une limace lors d'une journée de sécheresse. Je récupérais la tasse fumante, je tendis de la monnaie et j’en profitais pour lui poser une question audacieuse :
« Mon bon monsieur, je suis à la recherche d'un ami, avez-vous déjà aperçu ce visage ? »