Nom de Dieu...
Hanlong s'étira de tout son long sur cette vielle chaise en bois inconfortable qui craqua sans retenue. Lorsqu'elle termina ce geste bruyant, elle se frotta un œil par lassitude avant de revenir poser ses coudes sur la table en bois qui lui faisait face.
La marine venait d'être promue Lieutenant-commandant il y a quelques jours que cela. Elle accepta cette promotion emplie de fierté et désireuse de bien faire, prête à montrer une nouvelle fois qu'elle serait digne de la confiance qu'on lui donne.
Cependant, sa première tâche à effectuer fut quelque chose d'essentielle, mais que la musclée avait tendance à oublier régulièrement : le recrutement.
Le capitaine Wind lui présenta en premier lieu la première équipe complète qu'elle aurait à sa charge, celle du Lieutenant Valentin Perce et sa dizaine d'hommes. Néanmoins, le capitaine lui annonça après que la seconde équipe n'était plus complète à cause de quelques démissions et que n'ayant pas le temps de s'occuper des affectations, il laissait une liste de soldats en attente sur son bureau et que la récente promue serait celle qui choisirait les derniers éléments.
Ne se rendant pas compte de l'enfer que pouvait représenter la paperasse, Hanlong accepta naïvement. Maintenant, elle regrettait, mais se tenait bien de le raconter ou le dire à qui que ce soit.
Elle avait passé la journée d'avant-hier à éplucher les dossiers de chaque soldat sélectionné par son supérieur, avant d'envoyer une missive à ceux qui lui avait semblé le plus intéressant pour les rencontrer aujourd'hui. Et la journée fut d'une longueur éprouvante.
Elle ne rencontra personne d'exceptionnel, personne qui avait des idéaux similaires aux siens, pour être plus précis, elle eut l'impression que tous ces hommes et femmes avaient choisi cette voie par nécessité plutôt qu'envie.
Cependant, il restait encore une personne à voir. Une personne qui avait su piquer sa curiosité pour pousser la gradée aux cheveux roses à la convier à la trivialité qu'étaient ces pseudos entretiens.
D'un geste vif mais maîtrisé, Hanlong agrippa les feuilles qui résumaient le parcours chaotique de cette étrange personne. Elle le regarda une dernière fois en diagonale, ses yeux ne s'arrêtant que sur les quelques mots qui avaient attiré son regard émeraude dés sa première lecture : insubordination, non-respect de l'autorité, non-respect des ordres.
Elle reposa alors la feuille, puis croisa ses mains sous son menton, regardant la porte en bois fermé devant elle, et se fit la même réflexion qu'à la première vue de ce dossier pourtant catastrophique.
Pourquoi ?
Pourquoi cette femme restait dans la marine alors qu'elle entretenait des rapports aussi chaotiques avec ses supérieurs, alors qu'elle avait une vision aussi malsaine de l'autorité et de la hiérarchie ? Quelle était la raison derrière cette envie de rester dans ce corps armé qu'était la marine ?
Hanlong y avait réfléchi de longues minutes la première fois, et elle en vint à une conclusion inattendue qui transforma cette liste de défaut peu flatteurs, qui décrivait cette dénommée Mhary, en une certaine force.
Pour elle, cette femme avait des idéaux qui lui étaient propres, ou peut être des ambitions, mais elle faisait tout ce qui était en son pouvoir pour les atteindre. Elle disposait d'un caractère fort, et Hanlong voyait en elle une personne motivée et déterminée qui n'avait juste pas trouvé chaussure à son pied.
Alors la promue eut cette idée innocente, mais sincère. Est-ce qu'elles pourraient s'entendre ? Est ce qu'elles étaient faites pour se tirer vers le haut l'une comme l'autre ? C'était ce que la marine voulait vérifier aujourd'hui.
Mais lassée de cette pièce sans aucune fioriture, et d'une tristesse absolue, la gradée se leva et ouvrit la porte sèchement pour tomber sur une femme aux cheveux bleus pétants, d'une taille étrangement similaire à la sienne, mais surtout beaucoup plus svelte.
Elle l'accueillit d'un sourire empli de bonne volonté :
" - Enchanté Mhary. Je suis Hanlong, et je suis ravi de vous rencontrer. Cependant, je n'ai pas envie de rester encore une minute dans cette pièce minuscule et fade. Je vous invite donc à discuter avec moi en faisant le tour de la caserne, j'ai besoin d'exercice."