An 1518, aux alentours du village de Lys.
Sans trop tarder, je m’étais rendu sur l’archipel des Orgao. Dans le fol espoir de me rapprocher de mon but, j’embarquai sur le prochain navire marchand ; un de mes bons associés, que je pourrais considérer à juste titre comme un ami s’il n’eut pas de commerce entre nous, me fit un rapport digne d’intérêt. Il me disait ainsi : « Une jeune femme à la chevelure dorée, au port de tête altier et ayant quelques notions de médecine se promenait non loin du village de Lys… » après avoir entendu cela, j’eus un haut-le-cœur et je fus pris d’une immédiate frénésie. J’eus besoin d’une bonne heure avant de reprendre mes esprits, cela faisait longtemps que je n’avais pas eu d’information aussi précise. Par habitude, je pris mes affaires de travail et j’attendais que le bateau amarre, j’imagine que ces commerçants rusés me prirent pour un apothicaire notoire ; m’enfin, cela était sans importance.
Fier et brave comme un empereur, le soleil était à son point de culmination. Je venais d’arriver à bon port, je remerciai ces hommes pour la traversée et continuai ma route. Mon plan était nettement élaboré, j’allais retracer le parcours que cette intrigante aurait fait et j’allais interroger les villageois du village de Lys. Cependant, je ne me faisais pas trop d’illusions : ce n’était certainement pas aujourd’hui que mon calvaire allait se terminer, mais je pris goût à cette quête irrationnelle.
Mon premier indice était une avenue au nord-est de la ville où se tenaient les boutiques de vieux artisans : cordonniers, verriers, pêcheurs, boulangers… Tout ce beau monde faisait leurs affaires, comme je faisais les miennes. Appliqué, déterminé et méthodique, j’inspectais à la manière d’un de ces larbins du Gouvernement Mondial. Les traces m’intriguaient, les traces me faisaient rêver. Sur ce premier site, j’observais les lieux et je demandais aux artisans s’ils avaient aperçu cette fille. Bien sûr, la seule manière d’illustrer la personne que je cherchais était ma description bien trop précise pour que je paraisse sain d’esprit et une photo qui datait du temps de mon adolescence. Aucun d’entre eux ne l’avait aperçu.
Deux heures venaient de s’écouler. Je passais ensuite chez une tailleuse, une sorte de mégère brune aux cheveux gras et au vulgaire maquillage bien trop voyant pour une personne de son âge. La même musique se répétait, je lui fis mon discours et j’attendais la réponse qu’elle pouvait m’apporter. Je ne m’attendais honnêtement à rien. Néanmoins, elle me piqua au vif. Cette blondinette aurait travaillé deux semaines chez elle et puis un jour d’automne, ne serait jamais retournée au travail. Je me demandais si elle avait appris des choses sur elle et si elle savait où elle aurait pu passer.
« C’était une petite qui semblait toujours réservée, l’ennui était figé à son visage. Elle tressait ses étoffes avec l’adresse d’une grande couturière, mais elle prenait aucun plaisir à cela. Je ne sus jamais pourquoi elle décida de s’engager ici. On aurait dit une princesse venue d’un pays éloigné. » me dit-elle en fumant sereinement sa longue pipe.
Je voulais la rémunérer pour ces informations, mais elle refusa mon argent.
« Tu ne m’as pas l’air mal intentionné, même si je n’arrive pas à lire dans tes yeux. Tu lui ressembles, serais-tu un parent à elle ? » ajouta-t-elle au moment où je m’en allais.
« Qui sait ? » dis-je en ricanant.
Un bref résumé de tout ce que je venais d’entendre se faisait dans ma tête, je continuais ma route en errant dans les alentours du village. Sans m’en rendre compte, l’heure où l’empereur fatigué alla se coucher est arrivée. Le bruissement des arbres accompagnait chacun de mes pas. Je m’étais égaré dans une forêt quelconque, rien d’impressionnant, mais l’obscurité commençait à me taper sur les nerfs, même si évidemment, j’avais changé mon doigt en une lampe sympathique grâce à ma malédiction. Je tâtonnais pour sortir de cette forêt bercée par le clair de lune et guidé par ma propre lumière. Sur le chemin, j’entendis le bruit anormal d’une chute. Cela me poussa à m’avancer dans une certaine direction. J’arrivais alors près de ce que à vue d’œil, je discernais comme un piège de chasseur destiné à un éventuel animal sauvage passant dans les bois. Quelqu’un était tombé dedans. Ce n’était ni un lièvre, ni un sanglier, mais bel et bien un idiot qui tomba dans ce trou. J’intensifiais le voltage de mon éclair, puis je passais le doigt pour observer en détail cet individu. Des cheveux d’une couleur inhabituelle et un visage bien plus jeune que le mien, l’air déconcerté par la tournure des événements.
« Ça, ce n’est pas malin du tout. Tu sais que tu vas rester bloqué là toute la nuit ? » lui dis-je sur un ton railleur.
J’attendais de jauger sa personnalité avant de m’avancer. S’il était blessé, j’allais pouvoir le faire raquer d’une façon ou d’une autre.